Le journal d'une fragmentée

"Tous les cris les SOS"

Petit chocolat,

Commençons tout d’abord par une petite question d’ordre pratique : quel intérêt trouves-tu à me dégoûter de tous les aliments que j’aimais auparavant et même à me faire vomir de l’eau ? DE L’EAU, censée être une ressource vitale. Les nausées je peux bien m’y accommoder, voir cela comme une manière pour toi de me faire sentir ta présence… Mais vomir de la bile à longueur de journée, tout cela parce que je n’ose plus ingérer quoi que ce soit, c’est un peu extrême non ?
Soit, ne nous disputons pas encore (attendons plutôt ton adolescence), j’essaie juste de comprendre ta logique.

Pour un être qui fait la taille d’une lentille, tu occupes déjà beaucoup ma vie. Surtout mon espace mental.
Je ne panique pas parce que je savais que tu viendrais et j’ai tout donné pour que tu arrives jusqu’à moi.
J’avais juste oublié que j’ai vingt ans et que je suis étudiante. Ce qui veut dire que je n’ai qu’une petit bourse pour (sur)vivre, notamment pour payer un logement étudiant qui interdit toute colocation.

Bon, pour l’instant tu loges au chaud sous ma petite couche de graisse mais dis moi qu’allons-nous faire après?
Eh puis si on trouve quelque part où aller toi, ton père et moi, qu’en est-il de mes études?
Je dois t’avouer qu’en ce moment j’ai pas la tête sur ça!
Ou alors j’ai trop la tête sur ça, humm ?

Enfin, disons que je suis déçue par la formation. Je m’attendais à autre chose. Mais peut-être que cette déception vient de toi ? Ne sois pas offensé, je ne te rends responsable de rien. Je veux juste ton bonheur et le mien. Sauf que maintenant je pense plus à toi qu’à moi. Parce que qui le ferait ? Peu de gens savent que tu existes et souvent c’est cette réalité qui me rend d’humeur mélancolique. C’est comme garder un secret honteux alors que ça ne devrait pas l’être du tout. Je ne sens seule, la benjamine entourée d’anciens professeurs et d’étudiants beaucoup plus expérimentés.
Il faut que je raisonne, que je pèse le pour et le contre.

Mon gros problème c’est le stage de fin d’année. Je ne pourrai pas le commencer à la date prévue car c’est à cette période que tu dois ton logement - moi - si douillet.
Or les profs nous mettent déjà la pression, à peine en début d’année, pour trouver un stage le plus vite possible. Il semblerait que le stage ne puisse pas être ni reporté ni annulable.
Ce qui m’interroge sur l’intérêt pour moi de continuer cette formation ou pas.
Et si j’arrêtais je n’aurais plus de bourse et je serai donc à la rue.
Je pense qu’il est déjà trop tard pour une réorientation et quand bien même cela aurait été possible dans quel domaine?
Il faut que je parle à quelqu’un car j’ai besoin d’aide.
Et il faut que je m’occupe de toi.
Parce que crois-le ou non, je t’aime infiniment déjà.